Un horizon qui s’assombrit pour l’investissement local

Le gouvernement, à la recherche d’économies budgétaires pour 2025 afin de réduire le déficit public, compte sur la participation des collectivités. Alors que cette contribution atteignait 5 Md€ dans la version initiale du projet de loi de finances (présenté en octobre 2024), elle a été ramenée à 2,2 Md€ lors de l’adoption du texte en février.

En autorisations d’engagement, les 2,5 Md€ du fonds vert sont ramenés à 1,15 Md€ pour 2025. En revanche en crédits de paiement il est affiché une stabilité par rapport à la loi de finances 2024 à 1,1 Md€. Toutefois les annulations de crédits en cours d’année observés en 2024 conduisent à une certaine prudence quant à la sincérité du montant annoncé pour 2025. Dans tous les cas, la réduction des engagements est un signal négatif sur le soutien à venir de l’Etat aux projets de transition écologique des collectivités.

La dotation globale de fonctionnement (DGF) n’est pas indexée sur le niveau de l’inflation et augmentera de seulement 150 M€ en 2025. Cette hausse est par ailleurs « déduite » de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui baisse donc du même montant.

Par ailleurs, l’augmentation du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) va fortement impacter les dépenses de fonctionnement des collectivités et par conséquent contraindre leur capacité d’autofinancement (épargne brute). La hausse de 3 points par an pendant 4 ans, alourdira en effet les dépenses de fonctionnement de +1 Md€ chaque année jusqu’en 2028 (soit au total 10 Md€ de charges supplémentaires sur l’ensemble des 4 ans).

Face au recul de certaines ressources et à ces charges supplémentaires, certaines mesures pourraient néanmoins soutenir les finances de certaines collectivités :

• Les bases locatives qui permettent le calcul de la taxe foncière seront revalorisées de +1,7%.
• Les départements auront la possibilité de relever le plafond des droits de mutation (DMTO) de 4,5% à 5% entre le 1^er avril 2025 et le 31 mars 2028 (hors primo-accédants).
• Un versement mobilité régional (taux de 0,15% de la masse salariale des entreprises) est créé pour les Régions qui souhaiteraient le prélever.

Malgré une légère dégradation, les indicateurs financiers des collectivités du bloc communal demeurent globalement solides. Les communes et leurs groupements semblent en capacité d’absorber l’effort demandé alors qu’elles abordent la dernière année de leur cycle électoral.

• A fin décembre 2024 (données provisoires), l’épargne brute des communes recule de -5,5% (contre -16,1% pour l’ensemble des collectivités) par rapport à 2023 mais reste supérieure à son niveau de 2022 (+4%). Il en va de même pour les intercommunalités, dont leur épargne brute est inférieure de -3,5% par rapport à fin 2023 mais reste au-dessus du niveau de fin 2022 (+11%).
• Le niveau de trésorerie se maintient à un niveau élevé (cf. graphique 3) ne reculant que de -6% pour les communes et de -1,5% pour les EPCI entre décembre 2023 et décembre 2024.

La situation budgétaire des départements est en revanche très délicate : signe de ces difficultés financières, 29 départements sont désormais éligibles au fonds de sauvegarde contre 14 l’an passé.

En raison de la chute des droits de mutation (DMTO) et de la progression de leurs dépenses sociales, leur épargne brute s’est fortement contractée. D’après la DGFiP, elle tombe à 3,2 Md€ (donnée provisoire) à fin décembre 2024 contre 6,3 Md€ un an auparavant et 11,2 Md€ fin décembre 2022, soit un effondrement de -72% en 2 ans. Plus significatif encore, l’épargne nette (l’épargne brute après remboursements des emprunts) est passée de 8,4 Md€ fin 2022 à 3,1 Md€ fin 2023 puis à 147 M€ fin 2024 soit une quasi-disparition de leur capacité à autofinancer de nouveaux investissements.

Si les réserves de trésorerie ont pu être mobilisées pour maintenir l’investissement en 2023, et pour limiter la baisse en 2024, qu’en sera-t-il en 2025 ? La trésorerie des départements ne représente plus que 5,8 Md€ fin 2024 contre 12 Md€ fin 2022.

Concernant les droits de mutation (DMTO), les reculs observés au 2^ème semestre 2024 se modèrent peu à peu, en lien avec un marché immobilier (tant en nombre de transactions qu’en prix) qui pourraient avoir touché son point bas. On note même une hausse de +13% des DMTO en décembre. Il semble toutefois encore prématuré de parler de réelle reprise du marché immobilier qui dépendra à la fois du contexte économique et des tendances à venir sur les taux d’intérêt.

A court terme, sauf à recourir plus massivement à l’endettement, l’ensemble des dépenses d’entretien et d’investissement des départements sont ainsi menacées par cette forte dégradation de leur situation financière.

L’année 2025 s’annonce ainsi très incertaine en termes de tendances pour l’investissement local chuter si la fin du cycle électoral et la bonne résistance du bloc communal viendront en soutien, la dégradation rapide de la situation des départements fait peser des menaces sur certains de leurs investissements et de leurs subventions. En outre, face aux incertitudes et économies annoncées, la prudence des collectivités risque de s’accentuer, anticipant d’une aggravation de la situation en 2026. La question de la réduction du déficit budgétaire refera surface dès cet été avec les premières discussions sur le PLF 2026, probablement accompagnées de nouvelles mesures d’économie.

L’approche des élections municipales en fin d’année laisse également craindre le traditionnel ralentissement observé à cette période du cycle municipal, laissant craindre un net coup de frein sur l’investissement local en début de mandat.